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Les postes proposés dans les administrations sont toujours plus tertiaires et féminins. La tendance se renforce en premier lieu dans les communes (image d’illustration).
Les femmes restent sous-représentées dans les administrations publiques
16.06.2022 | 11:16
Que ce soit au niveau fédéral, cantonal ou communal, les services ont tendance à se féminiser. Mais les femmes sont de moins en moins présentes lorsque l’on grimpe dans la hiérarchie. 

Il y a progrès, mais peut toujours mieux faire. C’est ce qui ressort des études menées sur la présence des femmes au sein de l’Administration fédérale. L’an dernier, le rapport annuel sur la gestion du personnel fédéral indiquait que la proportion de femmes employées par la Confédération s’élevait à 44,4%. Un an plus tôt, la proportion était de 44,3% et elle s’élevait à 43,9% en 2019. Le rapport parle de nombre d’employés. Il n’est pas à confondre avec le nombre de postes en équivalent temps plein utilisé par l’Office fédéral de la statistique (voir l’infographie ci-contre). À la Confédération, 27,5% des collaborateurs travaillent à temps partiel. La majorité des personnes qui y ont recours sont des femmes. Il y a donc davantage d’employées que d’équivalent temps plein féminins. Le Département fédéral de l’intérieur, avec 53,8% de collaboratrices, est celui qui occupe le plus de femmes en proportion à son effectif total. Il devance celui des Affaires étrangères, où la parité est aussi dépassée, avec 51% de femmes. Ce sont les deux seuls départements fédéraux où les femmes sont plus nombreuses que les hommes. La Chancellerie fédérale (48,4%de femmes),le Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (47,8%) et le Département de justice et police (46,7%) sont aussi proches de la parité. Tous ces départements ont atteint ou dépassé les valeurs cibles attribuées par le Conseil fédéral.

 

Bastions masculins

Les mauvais élèves? Sans surprise le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) arrive bon dernier avec une proportion de femmesnedépassantpas36,6%. Même si ce département est dirigé par la conseillère fédérale Viola Amherd, il n’en reste pas moins que l’armée (13,3% de femmes y sont engagées) et les douanes (15% de collaboratrices) sont des bastions masculins. D’autant que l’obligation de servir, que ce soit au service militaire ou au service civil, ne concerne que les hommes. De ce fait, les valeurs cibles à atteindre sont différentes pour le DDPS. Le Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication, qui compte de nombreux emplois d’ingénieurs, domaine encore très masculin, figure aussi en mauvaise position. La proportion des collaboratrices y est de 39%. Enfin, avec 40,3%, le Département des finances ne brille pas non plus. Mais la fonction publique ne se résume pas à la Confédération. Les 26 cantons et les quelque 2200 communes suisses, ainsi que les entreprises publiques détenues par l’État fédéral, un canton ou une commune (regroupées sous le nom Corporation de droit public, il peut s’agir d’une université, d’un hôpital, d’une entreprise de transport, etc.) sont aussi des pourvoyeurs importants de postes de travail de la fonction publique. Si les études sur le personnel de la Confédération sont annuelles, celles qui comprennent les autres entités publiques au niveau de toute la Suisse sont plus rares, fédéralisme oblige. Directeur de projet à l’ESEHA, (agence conseil-expertise principalement axée sur l’État et ses administrations ainsi que leurs interactions avec la société et l’économie) Christophe Koller a rendu en 2015 un rapport complet au Bureau fédéral de l’égalité. Il prenait en compte tous les échelons publics suisses. Le secteur public y employait alors plus de 300’000 collaborateurs et collaboratrices. Les cantons en occupaient 59%,les communes 29% et la Condédération 13%.

 

Féminisation de l’administration 

Christophe Koller notait que la part des femmes dans les administrations cantonales et communales était beaucoup plus importante qu’au sein de la Confédération. Une situation qui perdure, selon les chiffres les plus récents fournis par l’Office fédéral de la statistique (voir l’infographie). «Il y a une tendance à la féminisation des administrations, souligne le chercheur. À tous les échelons, on y rencontre davantage de postes de gestionnaires, de controlling, de communication toujours plus féminisés. De plus, quand l’économie privée est dynamique et pourvoyeuse d’emplois, les hommes ont davantage tendance que les femmes à quitter la fonction publique pour travailler dans le secteur privé.» Au niveau de la proportion de femmes au sein d’une administration, l’écart entre la Confédération et les autres échelons publics s’explique aisément, souligne Christophe Koller. «Le Département de la défense, qui comprend l’armée et les douanes, fait fortement baisser la présence des femmes au sein de l’Administration fédérale.» D’autant que l’armée et les douanes, qui font partie du DDPS, sont deux des principaux employeurs au niveau de la Confédération. Des différences existent aussi dans la proportion des femmes qui exercent au sein d’une administration cantonale par rapport à une autre. «La tendance à la féminisation des employés dépend du dynamisme économique de la région concernée, souligne Christophe Koller. Les cantons peuplés qui ont un tissu économique diversifié et un marché de l’emploi vigoureux attirent davantage de femmes dans l’administration, là aussi du fait que les hommes ont plus tendance à se tourner vers le secteur privé. Au contraire, les administrations des cantons plus périphériques sont dominées par les hommes.» Le chercheur assure qu’il existe aussi une différence selon la religion historique dominante du canton. «Les administrations des cantons protestants sont davantage proches de la parité hommes femmes que celles des cantons catholiques, qui sont dans une phase de rattrapage.» Au niveau des communes, la tendance est différente. «Les administrations des communes des petits cantons ruraux sont davantage féminisées car les hommes qui travaillent dans la fonction publique ont tendance à privilégier l’échelon cantonal, voire le niveau fédéral. Dans les administrations communales, couvrant le plus souvent les écoles primaires, le travail est de plus en plus féminin et tertiarisé. La tendance à la féminisation des administrations communales se renforce dans toute la Suisse d’abord car ces dernières proposent de nombreux emplois partiels, nécessitant peu de déplacement.» Les emplois féminins dans le secteur public se sont aussi renforcés du fait de la présence massive des femmes dans l’enseignement, la santé et le social, souligne Christophe Koller. Le chercheur indique que la justice suit la même tendance. «La Commission européenne pour l’évaluation de la justice a étudié récemment la répartition des magistrats selon le sexe. Le rapport va être publié prochainement. L’ESEHA a récolté les données dans les cantons suisses. La part des femmes dans les tribunaux suisses est supérieure par rapport aux pays voisins ou similaires, tant en 1 re qu’en 2 e instance» (respectivement 46% et 36% de femmes y siègent).

 

Les femmes restent plus longtemps

Le fait qu’une femme dirige un département peut jouer un rôle de promotion, estime Christophe Koller. «Cependant, je ne connais pas d’études à ce propos.» La tendance à nommer des femmes dépend aussi de la sensibilité du chef du département à promouvoir les femmes, indépendamment de son genre. «Les femmes ont aussi tendance à garder leur poste plus longtemps, observe le directeur de projets. Les administrations se montrent plus souples pour faciliter leur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Le travail à domicile en visioconférence renforce encore cette tendance. Les hommes se caractérisent par moins de contraintes familiales et sont par conséquent plus flexibles.» 

 

 

Laurent Buschini