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Établir une convention de télétravail entre employeurs et salariés frontaliers est la solution pratique conseillée par le patronat romand.
L’application de l’accord fiscal va-t-elle compliquer la tâche des employeurs?
02.02.2023 | 09:45
Les patrons doivent faire respecter les règles de la solution signée en décembre entre Berne et Paris.
GETTY IMAGES
Depuis le 1 er janvier 2023, les travailleurs frontaliers européens domiciliés en France et employés par une entreprise située en Suisse peuvent télétravailler depuis leur logement à hauteur de 40% de leur temps de travail annuel sans devoir verser d’impôt sur le revenu à la France pour ces heures de home office. C’est ce que permet l’accord sur la fiscalité du télétravail des frontaliers, négocié par Berne et Paris le 22 décembre 2022. Cela concerne évidemment les travailleurs frontaliers dont l’emploi le permet techniquement et pour peu que leur employeur autorise le travail à distance. Pour rappel, jusqu’à cette date, la fiscalité du télétravail des frontaliers dans notre pays était réglée par un accord dérogatoire transitoire. Celui-ci avait été conclu entre la Suisse et la France en mai 2020 pour gérer les conséquences des mesures sanitaires de restrictions de circulation dues à la pandémie de Covid-19. Cette solution amiable avait ensuite été plusieurs fois renouvelée. L’accord conclu en fin d’année dernière est un soulagement autant pour les télétravailleurs frontaliers que pour leurs employeurs. La situation transitoire qui prévalait auparavant était incertaine et inconfortable en termes de fiscalité et de gestion du personnel. Mais passée cette bonne nouvelle, les patrons doivent désormais gérer l’application concrète de cet accord dans les entreprises en Suisse. Comment faire? Les réponses de Blaise Matthey, secrétaire général de la Fédération des entreprises romandes (FER, association patronale) et directeur général de la FER Genève. Interview.

L’accord va-t-il être compliqué à appliquer dans les entreprises?
Tout d’abord, je me félicite de cet accord car, jusqu’alors, les employeurs suisses et leurs salariés frontaliers qui télétravaillaient n’avaient pour seule visibilité que la date d’échéance de chacune des périodes de renouvellement de l’accord amiable, ce qui était inconfortable pour tout le monde en termes de gestion et d’organisation. Désormais, on sait enfin à quoi nous en tenir. Cela dit, cet accord ne devrait pas être si compliqué que cela à appliquer dans les entreprises.

Va-t-il falloir renégocier les contrats de travail des frontaliers qui peuvent faire du «home office»?
Non. Il faut surtout éviter des mesures administratives trop lourdes. Le plus simple est de prévoir une convention de télétravail qui complète le contrat de travail des employés concernés. Cela peut se faire sous forme d’un avenant au contrat de travail. Dans ce document doivent figurer, notamment, les jours et les horaires de télétravail autorisés, ainsi que les tâches que l’employé doit effectuer durant le home office, et bien évidemment la date d’entrée en vigueur et celle de fin de la convention. En fait, c’est la même convention que les employeurs ont pu faire pour le télétravail de leurs salariés domiciliés en Suisse. À la FER, nous mettons à la disposition des chefs d’entreprises des modèles de convention de télétravail sur notre site internet *.

Selon l’accord, au-delà de 40% du temps de travail total autorisé en «home office», le travail du frontalier est fiscalisé sur France. On imagine que, pour s’éviter tout problème, employeurs et salariés vont se contenter de ces deux jours maximum de télétravail par semaine pour un emploi occupé à temps plein. C’est évident, il leur faudrait sinon gérer des complications administratives, financières et fiscales, avec les risques qu’elles comportent pour les uns et les autres en cas d’erreur ou d’oubli. Les employeurs pourraient même prévoir dans les conventions de télétravail des frontaliers un taux maximal de 25% de home office seulement. Pourquoi? Parce que si la question de la sécurité sociale du télétravail des frontaliers (ndlr: laquelle fait l’objet d’un accord transitoire amiable, négocié entre Berne et Bruxelles pour les mêmes raisons sanitaires) n’était pas réglée au-delà du 30 juin 2023, la réglementation internationale en vigueur avant la pandémie s’appliquerait à nouveau. Or, elle prévoit que, lorsque le frontalier exerce depuis son domicile en France plus de 25% de son temps de travail global, il est assujetti à la Sécurité sociale française et doit donc payer des cotisations sociales dans l’Hexagone, et cela pour l’entier des heures de travail réalisées, pas seulement pour celles réalisées sur sol français. Donc, prévoir d’emblée dans les conventions de télétravail frontalier un maximum d’un jour de home office par semaine pour un temps plein éviterait aux employeurs suisses de refaire les avenants aux contrats de travail de leurs salariés frontaliers si un tel scénario devait se réaliser.

Comment éviter les abus sur le nombre de jours télétravaillés? Les patrons vont-ils devoir «fliquer» leurs salariés frontaliers? Je n’ai pas de crainte sur ce point. Si une convention de télétravail est prévue, elle règle les périodes de télétravail autorisées et leur durée. Cela permet d’attester des jours et des heures télétravaillés par l’employé (ndlr: lire aussi ci-contre).
Fabrice Breithaupt