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Les employés du domaine de la santé sont globalement mieux payés dans le secteur public que dans le privé, selon l’enquête sur la structure des salaires de l’OFS.
La fonction publique joue un rôle de frein à la sous-enchère salariale
06.10.2022 | 10:30
Le secteur public paie globalement mieux que le privé, même si ce dernier secteur offre les salaires les plus élevés dans certaines branches.
KEYSTONE
Le secteur public offre en moyenne de meilleurs salaires que le secteur privé. C’est ce qui ressort de l’enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) menée par l’Office fédéral de la statistique (OFS). En chiffres, pour l’année 2020 la valeur médiane des salaires dans le secteur public est de 8012 francs alors qu’elle n’est que de 6361 francs dans le secteur privé. Un constat qui vaut pour les hommes comme pour les femmes. Étonnant, non? «L’ESS est une enquête auprès des entreprises, qui nous fournissent des données sur leurs salariés, explique l’OFS. Les résultats sont par conséquent issus directement des informations transmises par les entreprises.» L’OFS entend par service public les administrations au niveau fédéral, cantonal et communal, mais aussi des entreprises dites publiques telles que des caisses de compensation, des réseaux hospitaliers ou des homes médicalisés, et bien d’autres. Les valeurs sont des médianes. «Cela signifie que 50% des salaires sont supérieurs et 50% inférieurs à cette valeur centrale, poursuit l’OFS. Elle ne doit pas être confondue avec le salaire moyen qui serait la somme de tous les salaires pris en compte dans l’enquête, divisée par le nombre de travailleurs considérés. La médiane a l’avantage de ne pas être sensible aux valeurs extrêmes, contrairement à la moyenne.»

Grand écart dans le privé
Comment expliquer que le secteur public rémunère globalement mieux alors que l’OFS montre dans son enquête que des domaines du secteur privé ont des valeurs médianes largement plus élevées. Par exemple, le salaire médian dans les banques est de 10’211 francs et de 10’040 francs dans la pharma. «Les salaires dans certaines branches dans le secteur privé sont bien plus élevés que le salaire médian du secteur public, reconnaît l’OFS. En revanche, l’inverse est également vrai. On trouve plusieurs branches économiques dans le secteur privé qui paient moins bien et qui ne figurent pas dans le secteur public.» A l’exemple du commerce de détail (valeur médiane à 4997 francs) ou de la restauration(4479 francs). À noter que les bonus, qui peuvent être très élevés dans certaines branches du secteur privé (en moyenne 134’381 francs dans le domaine bancaire en 2020 ou 90’264 francs dans la pharma), sont intégrés dans les résultats de l’ESS. «La composition du salaire mensuel standardisé comprend le salaire brut du mois d’octobre, y compris les cotisations sociales à la charge du salarié, les prestations en nature, la participation au chiffre d’affaires et de commissions, les allocations pour le travail en équipe, le dimanche ou de nuit, 1/12 edu13e salaire et1/12edespaiements spéciaux annuels, c’est-à-dire les bonus, détaille l’OFS. Les allocations familiales et pour enfants n’en font pas partie.»

Public-privé: 11-4
Sur les 15 branches présentes dans les deux secteurs,11 sont en faveur des employés du secteur public. Par exemple la catégorie Santé humaine et action sociale : dans le secteur public, les collaboratrices et collaborateurs (personnel soignant des hôpitaux, assistants sociaux, etc.) gagnent 7082 francs par mois dans le secteur public. Les hommes ont en moyenne 7612 francs alors que les femmes arrivent à 6865 francs. Dans le secteur privé, la rémunération est de 6219 francs en moyenne (6914 francs pour les hommes, 6042 francs pour les femmes). Seules quatre catégories rémunèrent mieux leurs employés dans le secteur privé: la production et la distribution d’énergie, les activités financières et d’assurance, la recherche et développement scientifique et les activités des organisations associatives et religieuses. Le résultat de l’ESS laisse David Giauque perplexe. «Les petits salaires sont plus élevés dans le secteur public, relève le professeur à l’Institut de hautes études en administration publique (IDHEAP) de l’Université de Lausanne. C’est l’inverse pour les postes bien rémunérés. Lorsqu’il s’agit d’engager des cadres, les grilles salariales du secteur public ne permettent pas d’offrir une rémunération aussi élevée que dans le privé.» La rémunération dans le secteur public est un frein à la sous-enchère salariale, précise David Giauque. «Le secteur public a un double rôle. Il doit proposer de bons salaires pour rester attractif. Il a aussi un rôle d’exemplarité. Si le secteur public se mettait à diminuer les salaires, le secteur privé suivrait la tendance. Dans l’enseignement, par exemple, où le secteur public rémunère globalement mieux que le privé, si les profs étaient moins bien payés, cela créerait un appel d’air en direction des écoles privées, qui enrôleraient les meilleurs profs, comme on le voit aux États-Unis.» La fourchette salariale est aussi plus faible dans le secteur public. «La différence entre les salaires les plus élevés et les plus bas est plus réduite que dans le secteur privé.»

Le biais de la concurrence
Le professeur souligne aussi une différence de nature du marché, qui peut fausser la comparaison. «Prenons l’exemple de la gestion de déchets. Le secteur public rémunère mieux que le secteur privé. Mais ce dernier doit faire face à une forte concurrence. Les entreprises doivent présenter la meilleure offre pour décrocher des contrats. Elles doivent réduire au maximum la masse salariale. Les employés du secteur public, eux, sont payés selon une grille salariale.» David Giauque regrette aussi l’étendue des domaines considérés dans l’étude. «Il faudrait pouvoir comparer les données par profession. Est-ce qu’un comptable gagne davantage dans l’administration publique que dans le secteur privé? Mon impression est qu’on a plutôt de la peine à attirer des candidatures dans le secteur public en raison de l’échelle salariale fixe.»
Laurent Buschini