Il a fait très chaud ces derniers jours, avec des températures tournant autourdes35degrés. Et cela n’est peut-être pas terminé, bien que le mercure soit retombé depuis hier. Certains spécialistes, comme Thomas Bucheli, chef de la météo au sein du groupe public de radios alémaniques SRF, estimait, il y a un mois déjà chez nos confrères de «Sonntags Zeitung», que cet été en Suisse pourrait probablement être plus chaud que la normale. De nouvelles vagues de chaleur pourraient se produire et de nouveaux records de température être établis. Difficile dans ces conditions de travailler, du moins de manière optimale et sécure. La canicule entraîne des pertes de productivité et des risques d’accidents du travail, en particulier dans les métiers physiques et/ou exercés en extérieur. Dès lors, en pareilles circonstances, comment prendre soin de sa santé à son poste de travail? Voici les conseils pratiques de Mariângela De Moraes Pires, médecin du travail à l’Office cantonal genevois de l’inspection et des relations du travail (OCIRT).
Hydratez-vous bien
«Il faut boire régulièrement et en petites quantités tout au long de la journée, sans attendre la sensation de soif», recommande Mariângela De Moraes Pires. L’apport recommandé en eau est d’environ 1,5 à 2 litres par jour. «Mais cela peut varier en fonction du climat, de l’état de santé, de l’âge, du poids, de l’état physiologique (grossesse, allaitement, etc.) et de l’activité physique de la personne, précise le médecin du travail. Ainsi, en cas d’effort intense et prolongé, il faut boire davantage, car on peut éliminer par la sueur jusqu’à un litre d’eau par heure.» Boire suffisamment et régulièrement, certes, mais quel liquide privilégier? «Il faut consommer de l’eau fraîche ou des boissons peu ou non sucrées, non riches en caféine, non alcoolisées et non glacées», répond-elle.
Mangez léger
Lorsqu’on mange, on a souvent un peu chaud. Normal, «la digestion s’accompagne de la production de chaleur par l’organisme», explique Mariângela De Moraes Pires. Inutile donc d’en ajouter en prenant un repas trop lourd. «Il faut éviter les repas copieux, roboratifs, gras et trop riches en protéines. Au contraire, il faut privilégier les aliments frais, de saison, riches en eau et plus faciles à digérer.» Bien entendu, tout en respectant les besoins nutritionnels journaliers, souligne-t-elle. Un minimum de trois repas quotidiens (matin, midi et soir) est ainsi recommandé. En outre, les personnes exerçant un travail physique exigeant doivent maintenir leur consommation habituelle de sel pour compenser les sels minéraux perdus par la transpiration, ajoute la spécialiste.
Supprimez ou réduisez votre consommation d’alcool et de tabac
Déjà en temps normal, les effets de l’alcool sur la santé ne sont pas bons. En période de fortes chaleurs, ils sont encore plus mauvais. «L’alcool a des propriétés diurétiques, c’est-à-dire qu’il favorise la déshydratation, explique Mariângela De Moraes Pires. De plus, il a également un effet vasodilatateur qui est accentué par une température ambiante élevée. Cela peut engendrer une augmentation de la température de la peau, accompagnée par une sensation de chaleur, voire de malaise.» Sans oublier que l’alcool peut modifier le jugement et conduire à l’altération de la conscience, intensifiant les effets de l’exposition aux fortes chaleurs sur les performances mentales et les effets neurosensoriels, principalement encas de coup de chaleur, complète le médecin du travail. Idem pour le tabagisme. Ses effets néfastes en temps normal sont accentués par la canicule. «Le tabagisme s’associe à de nombreuses maladies, notamment cardiovasculaires et respiratoires, lesquelles peuvent, à leur tour, rendre les personnes concernées plus vulnérables aux effets de l’exposition aux fortes chaleurs.»
Portez des vêtements amples et légers
Autant que faire se peut, il faut se vêtir d’habits larges, composés de matières légères (comme le lin et le coton) et de couleurs claires, recommande Mariângela De Moraes Pires. Le but est de favoriser l’évaporation de la sueur et, par conséquent, d’éviter une élévation excessive de la température corporelle. «Il s’agit donc parfois d’adapter le code vestimentaire, en évitant, entre autres, le costume cravate.» Pour les personnes qui travaillent à l’extérieur, typiquement les ouvriers sur un chantier de construction ou les agriculteurs, les vêtements de travail doivent aussi, dans la mesure du possible, être légers et de couleur claire. «Il faut également se protéger des rayonnements solaires, notamment les régions du corps plus exposées, comme la tête, les oreilles et la nuque, en portant un couvre-chef, un protège-nuque, des lunettes de soleil avec protection UV et en utilisant de la crème solaire.»
Faites des courants d’air
Dans un espace de travail intérieur, comme un commerce ou un bureau, il faut créer des courants d’air, par exemple au moyen de ventilateurs. Cela peut contribuer à réduire l’inconfort et à protéger la santé au travail. Cela doit être associé à d’autres mesures techniques, ajoute Mariângela De Moraes Pires: «Il faut faire de l’ombre avec des stores extérieurs ou des plantes, réduire les sources de chaleur ambiante (matériel informatique, machines, éclairage, etc.), ouvrir les fenêtres durant la nuit et les premières heures du matin plus fraîches, et maintenir les fenêtres fermées lorsqu’elles sont exposées à la chaleur.» La spécialise avertit que, pour garantir une protection contre le risque de transmission de particules infectieuses présentes dans l’air et éviter la transmission de maladies (comme le Covid-19), les locaux intérieurs doivent être bien aérés de manière à renouveler l’air potentiellement contaminé. «De plus, dans les bureaux occupés par plus d’une personne, il est conseillé de réduire la vitesse de l’air des ventilateurs afin d’éviter le transport des contaminants sur des distances importantes.»
Prenez des douches en milieu de journée
Pour les employés qui le peuvent sur leur lieu de travail, évidemment. Mais cela n’est pas toujours le cas. Par contre, il faut éviter l’eau froide, «car le refroidissement brusque de la surface du corps va engendrer une réaction de l’organisme au froid impliquant la production de chaleur», explique Mariângela De Moraes Pires. De plus, lorsque la température corporelle est déjà élevée ou pour certaines personnes plus fragiles, «l’exposition brusque à l’eau froide peut provoquer un choc thermique». Les douches d’eau à la température ambiante sont donc à privilégier. À défaut de douche, ou en complément, on peut utiliser des brumisateurs rechargeables et se rafraîchir avec la tête et les bras, ce qui permet de favoriser le maintien de la température corporelle.
Faites des (micro-)siestes
C’est rarement bien vu par les employeurs et les managers. Pourtant, en temps de canicule, cela peut être bénéfique. En effet, pendant la période estivale, le sommeil peut être impacté, comme l’explique Mariângela De Moraes Pires. «La présence plus tardive de la lumière du jour impacte la sécrétion de la mélatonine, l’«hormone du sommeil», qui sera également plus tardive. Il peut être plus difficile de trouver le sommeil à l’heure habituelle du coucher. Si, en plus, les nuits sont chaudes, comme c’est le cas des nuits tropicales, la température corporelle, qui devrait descendre pendant la nuit, notamment aux moments de sommeil profond, restera élevée. La qualité du sommeil sera donc moins bonne et un déficit de sommeil pourra s’installer.» C’est pourquoi des micro siestes d’environ vingt minutes peuvent réduire l’impact de ce déficit estival. Elles contribuent également à détendre l’organisme et à augmenter les niveaux de vigilance au travail, ajoute la spécialiste.
Préparez-vous des nuits de sommeil les plus réparatrices possible
Pour cela, évitez de consommer des boissons contenant de la caféine (café, thé, boissons énergisantes) après 17 h. Et mangez léger le soir, recommande Mariângela De Moraes Pires. Avant de se coucher, dans la mesure du possible, assurez-vous que la chambre soit fraîche, plongée dans l’obscurité et protégée des nuisances.
Sachez reconnaître les signes d’alerte en cas de coup de chaud
Les symptômes généraux sont une température interne supérieure à 39 °C (hyperthermie), un pouls et une respiration rapides, des maux de tête, des nausées et des vomissements, énumère Mariângela De Moraes Pires. Il peut aussi y avoir des symptômes cutanés: absence de transpiration, peau sèche, rouge et chaude. Et des symptômes neurosensoriels: comportement étrange, confusion, délire, voire convulsion et perte de connaissance. «Dans tous les cas, le coup de chaleur nécessite des premiers soins et un examen médical immédiats car le délai du traitement peut causer la mort, avertit le médecin du travail. Il faut donc appeler les secours (tél. 144).» En attendant l’ambulance, il faut conduire la personne dans un lieu frais, la rafraîchir avec des compresses d’eau froide ou en faisant couler de l’eau froide sur le front, la nuque, les jambes et les bras. Si elle est consciente, il faut également lui donner à boire de l’eau fraîche. En cas de perte de connaissance, il faut mettre la personne en position latérale de sécurité, ne pas lui donner à boire et la surveiller en permanence, ajoute la spécialiste.